Sonia Ben Slimane : « J’ai tout sacrifié pour créer mon atelier, mais je n’ai jamais été aussi alignée avec moi-même «

Céramiste Sonia Ben Slimane

Dans le cadre de notre nouvelle rubrique Artisans Déco, Maison & Vie part à la rencontre de créateurs qui donnent du sens à la décoration, en mêlant matières authentiques, démarches personnelles et esthétiques durables. Pour ce premier portrait, nous avons eu le plaisir de rencontrer Sonia Ben Slimane, entrepreneure tunisienne au parcours étonnant.

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Formée en administration des affaires et spécialisée en import-export, elle a travaillé durant sept années dans le domaine très structuré du oil & gas. Puis, le confinement de 2020 a tout changé. Sonia a osé tout quitter pour écouter une voix intérieure longtemps étouffée : celle de la création. Aujourd’hui, elle est céramiste et dirige son propre atelier-showroom, un lieu où l’artisanat devient langage et thérapie, un cocon façonné avec passion.

Tu avais une carrière bien ancrée dans le monde des affaires. Comment en es-tu venue à changer de cap aussi radicalement ?

J’ai longtemps cru que j’étais là où je devais être. J’avais suivi une voie rationnelle : des études en administration des affaires, une spécialisation en import-export, puis une carrière dans un grand secteur industriel. Mais pendant le confinement, tout a ralenti, tout s’est figé, sauf mes pensées. J’ai commencé à ressentir une agitation intérieure, une sorte d’appel profond que je ne pouvais plus ignorer. J’ai compris que ce que j’aimais vraiment, c’était créer, dessiner, toucher la matière. Il était temps de renouer avec cette part de moi.

Pourquoi la céramique, et comment t’es-tu lancée dans cet univers ?

La céramique m’est apparue comme un retour aux origines. J’avais toujours été fascinée par les objets faits main, les couleurs, les textures. En Tunisie, il y a une tradition forte autour de l’argile, notamment à Nabeul, mais peu de formations accessibles. J’ai donc pris l’initiative de me former moi-même. Durant l’été 2020, je faisais sans cesse la navette entre Tunis et Nabeul pour participer à des ateliers artisanaux, apprendre les techniques, comprendre le feu, les émaux, le tournage. C’était intense, mais profondément formateur. J’ai tout de suite su que je tenais là quelque chose d’essentiel.

Tu as ensuite décidé de te former de manière académique. Quel a été ton parcours ?

l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis, pour intégrer un master professionnel en arts plastiques, avec une spécialisation en céramique contemporaine. J’ai vécu ces deux années comme une renaissance. J’ai appris à structurer mes idées, à expérimenter de nouvelles formes. En 2022, j’ai obtenu la mention Très Bien, ce qui a renforcé ma confiance dans cette voie artistique.

Tu as créé ton propre atelier. Peux-tu nous raconter cette étape ?

Créer mon atelier a été une véritable aventure, autant humaine que matérielle. Je n’avais pas de gros moyens, aucun sponsor. J’ai tout construit seule, pièce par pièce, avec mes économies. L’achat de mon premier four à céramique a été un symbole très fort. Il représentait mon indépendance artistique. J’ai transformé une partie de ma maison en atelier-showroom, un lieu intime et vivant où je façonne mes pièces. C’est un monde à part, un cocon de création, une extension de moi-même.

Quels types de pièces proposes-tu ? Y a-t-il une signature particulière dans ton travail ?

Je travaille principalement le grès et la faïence, pour créer des objets utilitaires et décoratifs. Chaque pièce est unique. Je m’attache à créer des formes simples mais expressives : des tasses artisanales, des assiettes texturées, des objets de décoration murale, parfois même des sculptures minimalistes. Mon style est épuré, sensible, inspiré par la nature, les courbes féminines, les gestes ancestraux. Ce qui m’importe le plus, c’est que mes créations procurent une émotion. Elles doivent toucher les gens, leur raconter une histoire.

Pour découvrir d’autres inspirations et objets qui subliment les intérieurs, consultez aussi notre sélection sur Maison & Vie – Déco intérieure.

Comment as-tu développé ta clientèle ?

Le bouche-à-oreille a été mon premier levier. Mes premières clientes ont été très satisfaites, elles ont parlé de mon travail autour d’elles. Puis j’ai participé à des salons de l’artisanat, des marchés de créateurs, des événements locaux. Aujourd’hui, mon atelier reçoit régulièrement des visiteurs, curieux ou passionnés de céramique artisanale, qui veulent des pièces authentiques et locales. Je suis aussi très présente sur les réseaux sociaux, où je montre les coulisses de mon travail, mes inspirations, mes créations en cours.

Quel rôle joue ton atelier dans ta vie aujourd’hui ?

C’est mon refuge. Mon laboratoire. Mon espace sacré. Chaque objet que j’y crée est le fruit d’une réflexion, d’un ressenti, d’un moment de concentration. Il y a quelque chose de méditatif dans le fait de tourner, modeler, émailler, cuire. L’argile m’enseigne la patience, l’écoute, l’humilité. Mon atelier, c’est un lieu de transformation : de la matière, mais aussi de moi-même.

 

Un dernier conseil pour celles et ceux qui rêvent de se lancer dans une aventure artisanale ?

N’attendez pas d’avoir tout compris ou tout sécurisé pour vous lancer. Faites le premier pas, même petit. Expérimentez, osez, recommencez. Le plus important, c’est d’être sincère. Même avec peu de moyens, on peut créer de grandes choses si l’intention est juste. C’est ça, l’artisanat : une œuvre du cœur avant d’être une œuvre d’art.

 

Portrait Express

  • Formation initiale : Administration des affaires, import-export
  • Reconversion : Potière-céramiste depuis 2020
  • Atelier : Créé avec ses propres moyens, chez elle, ouvert au public
  • Développement : Présence sur les salons, export en Belgique
  • Philosophie : Créer pour se reconnecter, façonner pour s’exprimer
Par :Nadia Bchir
Publié le: 9 Août, 2025
Mots clés : Artisans Déco

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